Chapeaux bas

Cerises confites sur le pudding, les chapeaux ponctuent le show royal. Ils envoient des messages. Les tonalités et les accessoires sont de véritables armes de communication. On pourrait consacrer un chapitre entier aux bibis, béguins, toques, turbans.

« Je dois être la seule femme au monde à porter encore le chapeau », reconnaît l’intéressée. Indeed ! Ils sont facétieux surtout dans les années soixante-dix. Encensés ou bien moqués, les mauvaises langues les comparent aux bonnets de piscine. Citons le farfelu spaghetti (Berlin), celui à parterre de pétales (Derby d’Epsom), l’envolée de papillons (Gernadier Guards), le pillbox en velours fuchsia (tunnel sous la Manche), le coquelicot power (Maroc) et les pompons plumes façon chrysanthèmes (Kyoto). Peu importe ce que l’on écrit, la grand-mère des princesses d’York ne coiffera jamais au poteau les bibis baroques de ses petites-filles Beatrice et Eugénie, étrennés aux noces de Kate et William.

Si les toilettes de Sa Majesté sont discrètes, la fantaisie vient du chapeau. En 1977, un modèle exécuté dans la couleur préférée des fillettes, consacre le jubilé d’argent. La reine voit la vie en rose. Elle allume le feu de joie coiffée du béret à clochettes de Frederick Fox. L’accessoire aussi sacrifie à des règles strictes. Les formes breton, toque ou canotier ont le vent en poupe, au détriment des capelines jugées trop couvrantes. Ses sujets doivent voir son visage.

Un modèle bleu à fleurs jaunes, objet de tous les fantasmes, défraye la chronique. Elizabeth II préside à la session d’ouverture du Parlement au palais de Westminster. D’ordinaire, elle s’y rend en carrosse, parée de la tête aux pieds. Ce jour-là fait exception. La reine hisse sa couleur de prédilection. Le bleu est mis, mâtiné de jaune…les couleurs de l’Europe. Les esprits s’échauffent. On lui prête des sympathies européennes, en pleine négociations Brexit. Que nenni ! Il s’agit d’une pure coïncidence précise son habilleuse. Le chapeau en question est aussitôt débarrassé de sa garniture houleuse. La souveraine le reporte, agrémenté d’un nœud plat.

Du haut de ses 1m62, elle règne sur l’Angleterre et le Commonwealth. Elizabeth II appartient à cette génération qui ne sort pas “en cheveux”. Ses chapeaux mythiques sont entrés dans l’histoire. Ils font les jours heureux des bookmakers. A fleurs, à voilette, à plumes…pourvu qu’ils soient fous! “Ils sont un substitut à la couronne,” remarque le biographe Robert Lacey. C’est aussi le moyen le plus efficace pour rester dans la ligne de mire de son service de sécurité.

500 exemplaires sont rangés dans les boîtes rondes du dressing royal. Tous répondent à des impératifs: leur envergure doit permettre à la reine de monter et de descendre de voiture sans encombre. Ils font sa fierté car ils ne s’envolent jamais. Canotier, bibi, toque, tambourin donnent la touche fun à sa silhouette. Qu’un chapelier ne s’avise pas de les décorer de fleurs artificielles. « Vous travaillerez avec des gants de jardinier », fustige-t-elle à l’un d’eux qui s’y est risqué.

Plusieurs chapeliers accordent leurs compositions aux toilettes. Le Danois Aage Thaarup établi sur King’s Road, ouvre le bal. L’artisan a les faveurs de la reine mère. Pour sa fille, il conçoit des turbans drapés et des créations sans bord. Une Française entre en scène. Elle se nomme Simone Mirman et tient boutique dans le quartier de Belgravia. Elle excelle dans la catégorie turban. L’ancienne élève de Schiaparelli a d’abord pour cliente la princesse Margaret. En 1965, la sœur aînée lui confie sa tête. La modiste se souvient: “elle était très simple, choisissait ce qui lui allait. Parfois, elle me quittait brusquement pour aller voir un de ses chevaux courir à la télévision.” Animés de bouquets ou de fruits, les modèles rétro cèdent la place aux couvre-chefs plus austères, passé la soixantaine. La tête à chapeaux royale se tourne ensuite vers Philip Somerville (Simone a pris sa retraite), un Néo-Zélandais formé chez Harrod’s. Il œuvre à son service pendant 25 ans. A sa disparition, sa styliste Angela Kelly, travaille de concert avec la modiste du palais et met à contribution Rachel Trevor-Morgan, fournisseur officiel de la couronne.

Prochain épisode : Sac et umbrella

3 responses to “Chapeaux bas”

  1. En bonne Bretonne, je dirais que la Reine semble rendre hommage à la Bretagne avec un hortensia sur la tête, mais je respecte trop Sa Majesté pour me permettre cette impertinence. Ses chapeaux sont, comme elle-même, entrés dans la légende. Je n’ose penser au moment où cette grande dame nous quittera. Le monde ne sera plus le même.

  2. Complètement d’accord avec vous quant à l’hortensia blanc sur la tête d’Elizabeth ! Cela va très bien à notre cousine (certes o combien éloignée) grande-bretonne, à qui je voue aussi le plus grand des respects. Il est certain que beaucoup de choses changeront après son décès. Mais ainsi va la vie…
    Merci beaucoup Lynda pour vos écrits si attachants sur la reine Elizabeth et bon week-end à toutes !

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