Le style rétro culmine dans les années 50. Les journalistes qualifient la reine d’Angleterre de bombe. Un ministre la compare à Greta Garbo. C’est l’époque du rétro, des jupes dansantes et des bibis. Grace Kelly, future princesse du Rocher, incarne la tendance. De nos jours, la série américaine Mad Men popularise les silhouettes seyantes sur le petit écran. Un enchanteur français est à l’origine de cette mode. A Paris, la rédactrice Carmel Snow s’extasie en découvrant la collection Christian Dior. Its new ! It’s new Look ! Dior agite sa baguette magique. Un style né qui va changer la mode. L’esprit de Dior est partout. Le new look rompt avec la rigueur des années de guerre. Soyons fous ! Les jupes toutes en volume tourbillonnent, la taille s’étrangle, la femme devient fleur, corolle. Les princesses d’Angleterre assistent à une présentation privée. Elles sont sous le charme. Margaret insiste. La cadette veut une robe romantique. Son père obtempère : pas avant la majorité !
Le fardeau royal ne pèse pas sur ses épaules. Alors Margaret pousse les décolletés un peu plus loin, s’autorise le porte-cigarette en public. La future reine, quant à elle, ne se départ pas de son style sérieux. Que d’élégance ! Au derby d’Epsom du 4 juin 1954, les spectateurs en haut de forme s’immobilisent quand Sa Majesté traverse la pelouse pour rejoindre le paddock. Les dames n’ont d’yeux que pour la reine habillée d’une veste vert amande posée sur une robe blanche à bouquets, qui vole au vent sans rien dévoiler. Perles fines, gants, sac et souliers blancs s’accordent subtilement à ses toilettes. Le couple souverain pose dos à dos sur un portrait datant de 1959. La reine Elizabeth étrenne une robe fifties décorée d’un savant entrelacement de satin.
La garde-robe suit les lignes du new look, met en valeur sa taille de guêpe et ses épaules. De jour, la reine plébiscite les costumes taillés pour le job, les manteaux manches trois quarts, les robes évasées et les accessoires discrets. Les tailleurs aux lignes neutres s’autorisent quelques embellissements autour des cols. Ils jouent la variation effet cheminée, bourrelet, nœud plat ou lavallière. A Malte, Elizabeth et Philip mènent la dolce vita. De mémoire de reine, cette époque idyllique est l’une des plus heureuses. Elle y retourne en 1967. Son look floral aux teintes pop reste dans les annales de la mode royale.
Quand elle traverse les océans, elle emporte aussi dans ses valises des cotonnades plus abordables que ses fans se procurent auprès des détaillants. Dans les îles Tuvalu, sa robe à fleurs relance la mode du Liberty. Le trio cardigan-blouse-jupe, très prisé durant ses jeunes années, reprend de l’ascendant. Une somptueuse broche nœud en diamants fait la différence. De tulle ou d’organza, les étoles transparentes glissent sur son décolleté, permettant de distinguer les colliers somptueux qu’elle porte à son cou. Ses toilettes défilent dans Paris Match. Elizabeth par Cecil Beaton, sanglée dans le velours, le buste marmoréen, en robe de ville à gros pois, en manteau cintré aux courses ; glamour en robe crayon de dentelle à la garden-party de Melbourne. Une création met les cottages en ébullition. Il s’agit de la robe Norman Harntell, baptisée Magpie (robe smoking bicolore en satin noir et blanc) du nom du vaisseau ancré à Malte, placé sous le commandement du prince Philip. Des copies inondent les boutiques de confection. Cet engouement n’est pas du goût de la souveraine. La robe est remisée aux oubliettes. Mieux vaut ne pas marcher sur les plates bandes de Sa Majesté.
La nouvelle reine conquiert le monde. Partout où elle passe, le charme opère. 1957, Paris a la fièvre royale. On annonce la visite du couple souverain. La ville lumière retient son souffle. France-Soir joue les bookmakers. L’éditorial penche pour un ensemble Dior en crêpe beige au col ourlé de vison blond. Bingo ! Que la fête commence ! Pendant quatre jours, la souveraine défile dans ses plus beaux tailleurs crayon et ses robes de cour. « Quand on a une monarchie, il faut la mettre en valeur », proclame Hartnell. Pour éblouir la France, il imagine une robe blanche et or au motif abeille. L’insecte joue à cache-cache au sein d’une broderie labyrinthique. Auréolée de la tiare Vladimir, décorée du cordon de la Légion d’Honneur, Elizabeth II se montre au grand balcon de l’Opéra. Les diamants Windsor illuminent les nuits parisiennes. Les Français l’acclament d’une standing ovation. Aux actualités, les voix empreintes d’emphase des commentateurs relatent les temps forts de la visite royale. L’accueil du président Truman est tout aussi élogieux. Le chef d’état est heureux de recevoir aux Etats-Unis, une reine de contes de fées : « Petit garçon, j’ai feuilleté des livres de princesses…et la voici ».
D’autres passages scintillants s’invitent dans son emploi du temps. Les fameux moments tiares. Ces instants en apesanteur où la reine se pare de lumière. N’incarne-t-elle pas un idéal ? Elizabeth II dispose de moult diadèmes de famille pour éblouir la galerie. Celui dit des Filles de Grande-Bretagne et d’Irlande, lui a été offert par la reine Mary. C’est de loin le plus léger, une qualité non négligeable quand on sait que le poids de ces bijoux occasionne des migraines (lady Diana s’en plaignait).
Les représentations d’Etat déploient les fastes. C’est l’occasion de revêtir un habit chatoyant, de dégainer les joyaux. Le carrosse tiré par quatre pur-sang s’élance en direction du palais de Westminster. En tête de procession la mère de la nation porte un manteau bijou garni de vison. Derrière-elle, la suite royale comprend le prince de Galles en uniforme et son épouse, la très charismatique princesse Diana, lovée dans un blouson de vison blanc. Nous sommes en 1982, les visages sont solennels. Elizabeth II prononce le discours du Parlement donnant les grandes lignes du programme gouvernemental.
Autre temps fort des spectacles de Cour, les réceptions en grand apparat. Sur une scène de groupe, la reine en crinoline s’entoure d’influents leaders internationaux. Ladite toilette a subi moult transformations. Epoque glamour, elle est coupée dans du rêve, à fines bretelles, à décolleté enchâssant les épaules. La robe nuage s’épanouit en partant de la taille…le fameux style princesse. Les brodeuses l’incrustent de strass, l’ornent de belles arabesques de dentelle. Hartnell conçoit celle arborée à New York en 1957. Il s’agit d’un fourreau de satin et dentelle doté d’une impressionnante traine de tulle blanc.
Les deux femmes les plus photographiées au monde sont sur le point de se rencontrer à Londres. L’élégance innée et l’esprit brillant de Mrs Kennedy impressionnent. Même son époux se rend à l’évidence. « Je suis le monsieur qui accompagne Mrs Kennedy » plaisante le chef d’état. Ce n’est pas parce que Jackie fait des ravages qu’Elizabeth II doit passer au second plan. Elle opte pour une mousseline sur laquelle elle dépose une somptueuse parure. La toilette de la First Lady a des accents plus épurés. Sa robe nacrée minimaliste préfigure le soir selon Halston, célèbre couturier de l’allure américaine.
Angela Kelly, dernière styliste en date, revoit l’idée de la robe de cour et la simplifie. La reine ne paraît plus les bras nus. Ses robes sont coupées dans des étoffes brillantes et sont munies de manches longues. Sur ses longs gants, elle rajoute la touche finale : un bracelet criblé de diamants. A reflets d’or ou d’argent, sacs et souliers établissent de subtiles correspondances.
Des évènements encore plus théâtraux (procession de l’Ordre de la Jarretière, cérémonie de l’Ordre du chardon) galvanisent les sympathisants de la couronne. La souveraine s’habille comme un modèle de Rubens. Les costumes et chapeaux à plumes sont d’un autre âge. On les croirait sortis d’une pièce de Shakespeare.
De fastes en apparat, le spectacle est anglais. Mais la presse envoie ses piques. Honni soit qui mal y pense. Il y a quelque chose d’Hitchcockien dans cette silhouette en tailleur marine et gants noirs. La scène se passe à l’aéroport d’Aberdeen (Ecosse). Elizabeth II est photographiée à sa descente d’avion en train de remettre de l’ordre dans les laisses de ses corgis.
Prochain épisode : Une reine en liberté
2 responses to “Les années fastes”
Merci beaucoup Lynda pour ces lignes sans nulles autres pareilles. Un seul regret : l’absence de photos des robes dont vous parlez…il nous reste à les chercher sur le Net… Vivement jeudi pour le Trooping the colours!
Bonjour à toutes !
Je me faisais la même réflexion que Martine de Bretagne, ces délicieux articles le seraient encore plus si on visualisait les tenues.
Merci Lynda pour ce savoureux récap.
A jeudi !!